Une histoire d’hommes

ZEP

Au cours du trajet qui les conduit vers la belle propriĂ©tĂ© de Sandro, non loin de Londres, Franck, JB et Yvan remĂąchent  leur passĂ© de ratĂ©s. Avec leur hĂŽte, ils avaient formĂ© un groupe de rock. Un peu dĂ©pressif, Yvan a Ă©tĂ© lĂąchĂ© par BĂ©atrice avec qui il n’a pas pu avoir d’enfant. Annie, sa prĂ©cĂ©dente amie est maintenant avec Sandro et a eu de lui un fils, Paul, mort Ă  16 ans dans un accident de moto. Franck, droguĂ©, avait fait louper la prĂ©sentation du groupe Ă  la BBC. JB, quatorze ans de mariage, garde la nostalgie de la musique. Lorsque les amis se retrouvent, leurs conversations contraintes font ressortir les Ă©carts entre la vedette hĂąbleuse et ses ex-compagnons. Entre maladresse et jalousie, les souvenirs s’échangent, parfois comme des balles, tandis qu’Annie s’enferme dans son deuil en contemplant les vieux albums. Pourtant Sandro fait une Ă©trange rĂ©vĂ©lation Ă  Yvan : s’il n’a pas eu d’autre enfant aprĂšs Paul, c’est du fait de sa stĂ©rilitĂ© apparue depuis lors. Du coup, le vĂ©ritable motif de la rĂ©union se fait jour : Paul n’avait pas 16 ans, mais 18 le jour de sa mort et son pĂšre n’est pas celui qu’on croit. AprĂšs une phase de stupĂ©faction et d’emportement, la vĂ©ritĂ© fera son oeuvre salvatrice. L’aveu donnĂ©, l’aveu reçu permettront Ă  Annie et Ă  Yvan de se reconstruire.

Une belle premiĂšre pour la nouvelle maison d’édition issue de L’École des loisirs sous la direction de Louis Delas, ancien patron de Casterman. Un scĂ©nario attachant avec des personnages meurtris par l’échec et avides de consolidation. Le mensonge les avait dĂ©truits. La vĂ©ritĂ© leur ouvre une vie nouvelle. S’il emprunte quelques attributs au monde du rock, le rĂ©cit prĂ©sente un aspect universel de grande humanitĂ©, ce qui lui donne son caractĂšre dramatique. DerriĂšre leur grossiĂšretĂ© apparente, les acteurs ont une vĂ©ritable Ă©paisseur, accentuĂ©e par un dessin au trait, trĂšs expressif. Souvenirs ou rĂȘves, les rĂ©vĂ©lations progressives sont soulignĂ©es par des changements de teinte des cases, toujours bicolores, dont les contours se fondent progressivement dans l’arriĂšre-plan blanc des pages. Zep nous avait habituĂ©s Ă  un style humoristique. Quittant le monde de Titeuf, il Ă©tend sa palette avec cette intrigue habilement nouĂ©e, en parfaite cohĂ©rence avec un dessin rĂ©aliste, et oĂč coexistent habilement l’humour et le drame.

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