Julie débarque à Londres, rejoignant « le vieux », son riche amant. Un tremplin pour enfin se montrer, montrer qui elle est, rencontrer le grand amour, l’argent facile, le job prestigieux… En attendant, elle s’acharne avec perversité à pourrir toutes ses relations et, avec méthode, à se dévaster elle-même. Elle boit, se dope, couche à tout va, brutalement violée parfois. Edgar, un financier névrosé, obsédé par l’argent, dépendant de sa mère et de son doudou en peluche, l’héberge dans sa maison de haut standing. Et elle entame avec lui une vie de couple qui ne peut que se terminer mal. Quelques scènes du lamentable dénouement interrompent le fil du récit confié à la peluche et soulèvent adroitement des interrogations. L’efficacité du style d’Alain Sevestre (Manuel de l’innocent, NB février 2011) est prodigieuse. Le plus souvent, les phrases courtes, percutantes, suivent le flot intérieur de l’héroïne, recréent avec ses mots son univers mental labile, instable. Des séquences quasi photographiques restituent, en noir et blanc, la vie nocturne londonienne, mitraillent le ghetto glacial des milieux financiers, le ridicule de la technologie luxueuse à tout prix ou sondent la vacuité des existences. L’auteur a dépecé sa poupée jusqu’à l’os.
Poupée
SEVESTRE Alain