Né en 1883 dans une famille juive de Prague de langue allemande, Franz Kafka a été un homme profondément malheureux : tout en menant une vie apparemment ordinaire, il se sent différent et inadapté au monde. Ses relations conflictuelles avec son père, son attitude ambivalente envers le judaïsme, son attirance pour les femmes, mêlée d’impuissance, ses rêves et ses fantasmes homosexuels le font ployer toute sa vie sous un sentiment de honte et de culpabilité. Cela transparaît dans son journal, sa correspondance et son oeuvre romanesque. Cet essai, destiné à comprendre la personnalité et le mal-être de Kafka, s’oppose à l’hagiographie du premier biographe, Max Brod, et à de multiples commentateurs. Saul Friedländer, historien du nazisme (L’Allemagne nazie et les Juifs, NB février 1998), tente de faire la part entre le mythe et la réalité concernant cet écrivain. Mais il en reste à des déductions fondées sur des hypothèses, certaines plausibles. Le mystère Kafka subsiste, nous renvoyant à ce qui comptait le plus pour lui : son oeuvre – devenue l’incarnation puissante du mal de vivre contemporain.
Kafka : poète de la honte
FRIEDLÄNDER Saul