Le premier tome (NB décembre 2013) offrait sous forme de chapitres successifs, les diverses péripéties de deux préadolescents dans ce monde fermé du quartier où ils grandirent. Ils y découvraient les petites combines pour gagner quelques sous, fréquentaient le monde trouble des prostituées, celui des soldats en goguette et supportaient de plus en plus difficilement les ambiances familiales délétères. Dans ce nouveau tome, Gabriel et son ami Benjamin voient leurs seize ans confrontés aux duretés de la vie : la pauvreté, la bande, la violence, la prostitution, les amphétamines…De nombreux chemins s’ouvrent à eux mais Gabriel ne sait lequel prendre. Une occasion se présente sous les traits d’une jeune suédoise qui veut retaper son appartement et ranger ses bouquins. Quelle attitude prendre avec cette femme libre de 29 ans ? Que faire de la gratuité de son accueil, du libre accès à sa bibliothèque ? Après des hésitations et l’expérimentation d’une amitié sans ambigüité, Gabriel préfère la liberté et sa famille, quelque soit le prix à payer.
Gabi Beltran et Segui poursuivent dans ce second opus l’évocation autobiographique de l’adolescence de Gabriel dans les quartiers pauvres de Palma de Majorque dans les années 1980. Ce récit d’une adolescence prise au piège, de ses contradictions et des pratiques de « la débine » est pathétique mais léger tant le héros semble flotter tel un bouchon dans le courant. Certains portraits sont criants de vérité, auréolés d’une belle humanité malgré la misère. Ainsi, la grand-mère donnant une magnifique leçon de courage et de dignité à son petit fils. Ainsi la belle Suédoise, libérée et cultivée, ou la pauvre voisine déséquilibrée. Les auteurs, tous deux nés à Palma, livrent au fil de sept chapitres une peinture sans concessions de la ville et de ses habitants, tandis que dans des textes tendus et sans fioriture, l’auteur rumine ses désirs d’amour que ni son père ni sa mère ne surent combler. Le dessin est brut, rapide, expressif ; il livre sans fard la réalité des bas quartiers du Palma d’autrefois, sûrement fort différente de ce qu’elle peut être aujourd’hui. Une belle découverte, souvent sombre. (Y.H. et D.L.)