J’entends ta voix

KIM Young-ha

La mère de Jeï l’a mis au monde dans les toilettes de la gare routière de Séoul. Recueilli, puis à nouveau abandonné, il surprend par sa maturité et sa compréhension intuitive, télépathique, des autres, animaux et objets compris. Il vagabonde avec des voyous, quitte ce milieu de violence et de délinquance, mais « garde la rage » : il se sent investi d’une folle « mission ». Bravache, il s’impose, fait fi des dangers et des interdictions et prend la tête de la grande course annuelle des motards du jour de l’Indépendance. Le roman de Kim Young-Ha (Ma mémoire assassine, NB mai 2015) offre une vision assez cauchemardesque de la vie de certains jeunes Coréens. La menace est partout, les rapports sont souvent veules et sauvages. Si l’intrigue peine un peu à démarrer dans la première partie, l’auteur réussit ensuite à construire un crescendo jusqu’à atteindre l’insupportable. Il met ainsi en lumière le fatalisme, la révolte et la désespérance d’une génération et fait entendre la voix de ceux qui seront sauvés par le jeune héros, un « saint moderne », charismatique et justicier. Un récit en forme d’épopée presque surnaturelle, écrit dans un style très direct et dont la genèse est expliquée à la fin du livre. Rude, extrémiste et sans fard. (M.-A.B. et A.-M.D.)