Amanda est une fillette heureuse : sous le regard indulgent et complice de sa maman, elle partage ses espiĂšgleries avec Rudger, son meilleur ami. Un ami imaginaire ! Câest parfait jusquâĂ lâapparition dâun inquiĂ©tant M.Butor, qui sâintĂ©resse de trĂšs prĂšs aux deux enfants. Quand un accident plonge Amanda dans le coma, Rudger, sĂ©parĂ© dâelle, commence à « sâestomper ». Va-t-il disparaĂźtre ou trouver, Ă lâAgence des Imaginaires, le moyen de la rejoindre et dâĂ©chapper au monstre qui le menace ? Un ami invisible : quelle chance ! On peut mettre sur son compte les bĂȘtises qui nous feraient gronder, manger Ă sa place le dessert qui lui est destinĂ©, etc. Il est le compagnon, le confident ; grĂące Ă lui, on ne sâennuie jamais. Un cadre urbain propice Ă des poursuites, un prĂ©dateur inquiĂ©tant aux allures dâogre mis en Ă©chec par de jeunes hĂ©ros intrĂ©pides : le scĂ©nario de ce roman dâaventure enchaĂźne pĂ©ripĂ©ties et dialogues, tous pĂ©tillants de drĂŽlerie. Plaisir garanti ! Un autre bonheur : les rĂ©flexions qui Ă©maillent le texte sur le statut des « imaginĂ©s », sur leur autonomie, leur survie quand leur hĂŽte vient Ă manquer. Question au coeur de la littĂ©rature puisquâelle concerne lâidentitĂ© de toutes les crĂ©atures inventĂ©es. La romanciĂšre sâamuse : câest dans une Agence en forme de bibliothĂšque que dâautres Rudger attendent leur rĂȘveur ou leur lecteur ! PrĂȘts Ă endosser un nouveau rĂŽle, ils inventent dâastucieuses stratĂ©gies pour attirer lâattention ; car il y a des enfants « dĂ©fectueux » qui ne se laissent pas sĂ©duire, qui ne voient rien au-delĂ de la trĂšs plate rĂ©alitĂ© ! Gageons quâils sont bien peu nombreux. Reste nĂ©anmoins la question de lâoubli ! Sans nouveau « contrat », voilĂ nos amis imaginaires condamnĂ©s Ă sâeffacer. Nâest-ce pas vrai de tous ceux, de chair ou de rĂȘve, que nous avons aimĂ©s ? La mĂ©moire, heureusement, a mille astuces, elle aussi, comme lâimagination. La pertinence du parallĂšle est servie par la dĂ©licatesse avec laquelle il est suggĂ©rĂ© dĂšs le prĂ©ambule du roman : Ă demi-mots, on aborde avec le sourire la question de la mort. Quel dĂ©fi pour lâillustratrice ! Jusque dans le dĂ©tail de la pagination, tout est raffinĂ© et amusant dans la mise en images prĂ©cise des multiples facettes du rĂ©cit. Pour reprĂ©senter « celui que personne ne voit, sauf Amanda », elle joue sur les ombres, sur les transparences, sur lâutilisation du miroir. En blanc et noir, pour lâessentiel. Elle lui donne autant de prĂ©sence quâĂ lâhĂ©roĂŻne. Dâailleurs, lequel des deux est le plus vrai ? Quelques pages en couleurs jouent le contraste. Les cadrages en gros plan servent lâimaginaire en ajoutant une touche de fantastique Ă une histoire Ă laquelle on croit du dĂ©but jusquâĂ la fin ! (C.B., M.-C.D. et A.T.)
Amanda et les amis imaginaires
HARROLD A.F., GRAVETT Emily