Dès l’annexion de la Tchécoslovaquie, les Allemands firent de la forteresse de Terezin, près de Prague, un ghetto où s’installèrent des Juifs volontaires. Elle devint vite un camp de concentration, transition avant Auschwitz. Avec son plan en forme d’étoile et ses solides murailles, elle fournit aux nazis le lieu idéal pour une vaste opération de mystification de l’opinion internationale grâce à deux films de propagande mettant en scène une vie idéale et factice. La Croix Rouge elle-même s’y laissa prendre lors de ses visites. La romancière Hélène Gaudy (Plein Hiver, NB février 2014) fait revivre le sinistre passé de Terezin qui accueillit 140.000 Juifs dont seuls 17.000 survécurent. Elle a longuement arpenté la ville, interrogé habitants actuels, rares survivants ou descendants. Dans une langue précise, sans pathos, elle traque un passé insaisissable criblé de blancs, démasque le cynisme avec lequel les nazis ont déguisé la réalité et oppose à ce cynisme la solidarité des détenus en dépit des divergences d’opinion. Évoquant les nombreux artistes passés dans le camp, l’auteur souligne aussi « l’extraordinaire floraison de littérature et d’art en présence de la mort ». Un peu éclaté, touffu parfois, le livre est émouvant. (L.G. et M.-N.P.)
Une île, une forteresse : sur Terezín
GAUDY Hélène