Vers l’abîme

Berlin, 1930. Jakob Fabian est un jeune publicitaire talentueux. Fragilisé par l’expérience de la première guerre mondiale, psychologiquement et physiquement, il mène néanmoins, avec son ami fortuné Stephan, une vie d’insouciance et de débauches. Sa désinvolture et son insolence envers sa hiérarchie lui valent d’être licencié. Il rejoint la cohorte des millions de chômeurs, dans un pays exsangue.  Erich Kästner connaît un immense  succès avec des oeuvres pour la jeunesse. En 1931, son premier roman pour adultes Fabien ou l’histoire d’un moraliste paraît dans une version expurgée ; le voilà ici dans sa version originale. L’ouvrage, très satirique, véritable étude sociologique du Berlin de l’entre-deux-guerres est, à l’époque, jugé obscène et sera l’objet d’autodafés nazis. Le héros, désabusé, voire cynique, prend conscience du naufrage programmé de son pays. Résistant à son élan empathique pour la souffrance humaine qu’il côtoie, il assiste passivement au spectacle des excès de Berlin, Sodome et Gomorrhe des temps modernes. Il refuse l’engagement, politique, social et même amoureux, tout lui semble corrompu, hormis la figure maternelle. Alternant cocasserie, ironie, humour, désespoir, cette descente Vers l’abîme rééditée aujourd’hui est mise en mots avec un découpage « quasi-fellinien ». Elle touche par son intemporalité et son audace. (A.-C.C.-M. et M.Bi.)