À La Havane, les vies s’égouttent dans la dureté du quotidien, la torpeur, l’irrésolution. On boit, on fume, on se drogue, on fait l’amour, on travaille, ou pas. Parfois un incident ressuscite les souvenirs : une amitié précieuse, une amoureuse bêtement refusée, l’ensorcelante Violeta, experte en sexe, ou Zoilita baiseuse d’enfer, le temps où l’on mangeait à sa faim… Des rêves refont surface, Miguel en champion de base-ball, Rafaela en pianiste célèbre… Un voyage à Madrid, en Italie, une mission en Angola, la nouvelle écrite par Adelaîda pourraient peut-être rebattre les cartes, faire gagner un point… Mais non. Est-ce la chaleur ? Le rhum Carta Blanca ? Le régime communiste, son embrigadement, ses pénuries ? L’enfermement dans l’île ? Les tendres héros de ces nouvelles ne vivent pas leur vie, elle se fige ou bifurque parce que Ce qui désirait arriver est arrivé. Par chance ou malchance. L’écriture du Cubain Leonardo Padura (Hérétiques, NB novembre 2014), sous une apparente simplicité, anime, dans leur environnement chaleureux et désespéré, des personnages complexes, de l’intellectuel au voyou, de l’étudiant naïf au travesti vieillissant, tous d’une humanité poignante. On regrette de les quitter, d’abandonner la vieille dame et l’archange Raphaël ou l’adolescent drogué sur son radeau. (M.W. et B.T.)
Ce qui désirait arriver
PADURA Leonardo