Éléonore a perdu son père bien-aimé. Elle grandit en travaillant dur aux côtés d’une mère indifférente et bigote. Son attachement à la ferme, aux animaux et à la campagne environnante, la sauve. En épousant son amour d’enfance que la Grande Guerre a défiguré, elle devient, au fil du siècle, la matriarche d’une lignée sauvagement ancrée dans sa terre, sur laquelle le sort s’acharne : cinquante ans plus tard, son fils connaît une autre guerre et tente avec ses garçons de transformer l’exploitation en une vaste porcherie moderne. Mais la maladie frappe impitoyablement hommes et bêtes. La nature veut-elle se venger ? Ce pourrait être la saga classique d’une famille paysanne française tentant de survivre, au XXe siècle, au prix d’un travail forcené. Mais l’histoire prend une toute autre dimension sous la plume de Jean-Baptiste Del Amo (Le Sel, NB novembre 2010). Une sensualité étrange, lancinante, presque asphyxiante, court au long des lignes, transformant l’âpre réalité en un cauchemar fait d’excréments, de bile et de sang. Quelques rayons de soleil sur une prairie, de rares rires enfantins, un horizon de collines illuminent brièvement la noirceur de cette existence. L’écriture intense, obsessionnelle, fouille inlassablement un monde violent où domine la fascination morbide pour le corps et la mort. (A.Lec. et A.Le.)
Règne animal
DEL AMO Jean-Baptiste