« Après nous le déluge », phrase attribuée à Madame de Pompadour, résume une attitude alors peu répandue : refuser l’enchaînement des héritages dûs à la filiation. De nos jours la fonction d’imitation de certains modèles contemporains a remplacé celle de la transmission. Après Tempéraments philosophiques (NB janvier 2012), Peter Sloterdijk assure que le modernisme est né de la rupture avec les acquis des générations précédentes. L’ouvrage abrasif, parfois subversif, est servi par une écriture habile, une construction ferme, des références multiples, une densité conceptuelle savante. Survolant siècles et cultures, l’auteur cible régulièrement événements ou figures emblématiques de ce hiatus, de leur illégitimité et de leurs conséquences. Sont évoqués, Socrate, Napoléon, Lénine ou… Jésus dit le « bâtard de Dieu »… Le modernisme a voulu s’exonérer du passé et magnifier l’immédiateté du présent, cependant il risque ainsi de se priver d’avenir donc d’espérance. À l’heure du réchauffement climatique, des débiteurs insolvables, de la transmission du souvenir dans le flou du « cloud », il est temps de relire notre Histoire. Un livre puissant, détonant, difficile. (D.C. et C.R.P.)
Après nous le déluge : les Temps modernes comme expérience antigénéalogique
SLOTERDIJK Peter