Née dans une famille pauvre, cuisinière à seize ans chez des bourgeois de Marmande, elle ouvre, à Bordeaux, un restaurant fameux, étoilé en 1992. C’est « La Cheffe », femme douée, intuitive, créative, entrée en cuisine comme en religion, qui voit son oeuvre détruite par sa fille unique. Son ancien assistant, confident et amoureux éconduit, témoin de cette vie courageuse, rassure sur la transmission de ce savoir–faire qui s’incarnera en Espagne, dans une figure féminine inattendue.
Pour suivre l’histoire de La Cheffe, de son art culinaire, véritable aventure spirituelle tendant vers l’épure, il faut entrer dans l’univers littéraire de Marie Ndiaye (Ladivine, NB février 2013). Ce roman sans chapitres est une succession de tirades déchirantes où de longues phrases enveloppent lentement le lecteur ; l’émotion pénètre alors coeur et esprit, recettes et sentiments mêlés. Une très belle écriture, ample, précise, évocatrice, explore le caractère intransigeant et ascétique de l’héroïne dont elle souligne les cassures muettes et, en miroir, la désespérance et les incertitudes du narrateur : deux parcours douloureux et complémentaires. Valeurs morales et probité sont exaltées dans ce récit à l’enivrante mélancolie. (A.C. et C.R.P.)