Au tournant des années soixante-dix, les mouvements progressistes argentins sont durement réprimés : torture, assassinats, disparitions s’enchaînent. Trente ans plus tard, Carlos, qui en a réchappé, ne cesse de s’interroger sur le sort de sa femme, arrêtée alors qu’elle était enceinte, sans doute morte sous les coups des bourreaux. Le curé du village où le mènent ses recherches a-t-il assisté impassible à l’exécution ? Si oui, doit-on le tuer ? Avec comme point de vue la conscience d’un homme rongé par la rage et la culpabilité, le roman de l’essayiste et écrivain argentin (Living, NB novembre 2013) apparaît comme un long râle de désespoir. Dans cette spirale nauséeuse bien écrite, la vengeance, seul moteur dramatique possible, reste secondaire. C’est l’idée de la mort qui envahit tout : mort de l’idéal, de l’être aimé, du couple ; mort de soi, de vieillesse, de maladie ; mort de l’image de soi surtout, en permanence convoquée dans son inexorable solitude. Cette noire obsession constamment ressassée est faiblement éclairée par l’intelligence qui sous-tend la réflexion. Une fine analyse de l’évolution des mentalités entre deux époques rend plus proche cette Argentine contemporaine, à nouveau confrontée aux aléas politiques et économiques. (A.Lec. et L.K.)
À qui de droit
CAPARRÓS Martín