Hégires

Dans sa prime jeunesse algérienne, Karima Berger (Mektouba, NB mars 2016) choisit l’exil en France. La maturité venue, elle revient sur cette blessure volontaire qu’elle tente d’apaiser. Elle considère que son hégire est proche « d’une rupture du lien » familial, mais, à la faveur de cette absence, elle retrace le chemin de tous les exilés célèbres, et notamment Mahomet qui, chassé de La Mecque, fonde à Médine un nouveau modèle de société proclamant l’égalité entre croyants. Nourrie des textes lumineux du Coran et de la Conférence des Oiseaux, elle revisite l’Histoire Sainte qu’elle corrèle avec bonheur aux autres religions du Livre, tout d’amour et de tolérance. Elle souligne la recherche des prophètes partis en exil chacun à la rencontre de Dieu. Tour à tour, elle s’insurge contre le sort fait aux migrants par les pays de l’or noir dont les lieux saints défigurés sont des usines à fric ; elle trace un portrait sans illusion de son pays, mais y découvre le pouvoir caché des femmes, puis confie retrouver l’harmonie en Bretagne. Dans la belle langue métaphorique orientale, cette riche quête du sacré compose un chant philosophique inspiré et poétique d’une grande pureté. Un texte admirable. (M.R. et J.D.)