Dans l’épaisseur de la chair

BLAS DE ROBLÈS Jean-Marie

C’est parce que son vieux père lui a jeté à la figure « tu n’as jamais été pied-noir » que Thomas a pris la mer en décembre à Carqueiranne sur le bateau de pêche familial. Tombé à l’eau et proche de la noyade, il se remémore la vie à Sidi-Bel-Abbès où son père chirurgien, fils d’émigré espagnol, avait fait souche et retrace l’itinéraire de cet homme au destin bouleversé par l’Histoire.  L’auteur (L’Île du point Némo, NB octobre 2014) s’est vraisemblablement inspiré de la biographie familiale et l’a intégrée avec talent dans le cours des événements qui ont frappé l’Europe et l’Algérie, de la fin du XIXe siècle aux années soixante. Émigration espagnole, implantation dans une Algérie franco-judéo-arabe où les rivalités ethniques se doublent d’une montée de l’antisémitisme, épopée sanglante, à travers l’Italie et la France, du régiment maghrébin où le père a été médecin militaire pendant les années quarante, enfin, prémices de la guerre d’indépendance conduisant au rapatriement. Dans un beau style vigoureux, les souvenirs de Thomas, s’ils ne cachent rien des tragédies vécues, fusent en bouquets d’anecdotes d’une réjouissante drôlerie et une émotion authentique se dégage de ce vibrant hommage d’un fils à son père. (L.K. et A.M.)