Né en 1960, il ne cesse de voyager, selon son coeur et son instinct, au grand effarement de sa mère qui ne quitte plus son village polonais, proche de Treblinka. Elle a vu arriver naguère les Allemands, puis les Russes. Les Juifs ? Personne n’en parlait. Lui dédaigne l’Occident et, parcourant steppes, déserts, villes frontalières où tout peut arriver, il interroge la Russie « éternelle » colonisée désormais par la pacotille chinoise. Parallèlement il revoit son enfance, marquée par « le sable, la poussière, le fumier, la fumée de bois ».
Andrzej Stasiuk (Un vague sentiment de perte, NB avril 2015) est très attaché à cette « arrière-cour de l’Europe » marquée par un lourd destin. Sa longue errance, entre désir et hasard, dans des régions désolées, est transfigurée par une écriture puissante, très imagée, qui sait prendre de la hauteur tout en restant familière. Il regarde le monde contemporain et son devenir à travers un prisme ironique, parfois féroce à l’égard du monde truqué du communisme. Observateur critique, amical aussi, il voyage à la dure, jamais en touriste. Cet ouvrage très riche, entre géographie et histoire, de façon quasiment sensuelle transforme les répétitions en leitmotivs entêtants et rassurants. (D.C. et M.-C.A.)