New Hampshire. Le père de Jesse, adolescent au cerveau fêlé, refuse de l’envoyer dans une institution spécialisée. Et pourtant… Rejeté par tous, pétri de bonne volonté mais ignorant toute notion de culpabilité, le garçon, taraudé par la transformation de son corps, dépend de ses pulsions, viole en toute naïveté, tue en toute innocence. Admiratif de son frère aîné de retour de la guerre, il se prend pour un soldat et part dans la neige hivernale à la recherche du Viêtnam. Écrit en 1982, ce livre n’est traduit qu’aujourd’hui. Le précédent, Coins perdus : un parcours dans l’Atlantique nord (NB juin 1995), était un récit de voyage. Lawrence Millman place celui-ci en 1968 aux Etats-Unis. Le portrait de Jesse, attendrissant, terrifiant, met mal à l’aise. L’écriture, belle et d’un réalisme sans tabou, dépeint avec justesse la fascination de la mort, l’inconscience liée à une dérive monstrueuse, la solitude, et une recherche d’amour accompagnée d’une obsession du sexe et de minables regards lubriques. Est évoquée en toile de fond la misère sociale et morale qui frappe en même temps une Amérique profonde où la violence, l’alcool et les rats sont le quotidien de la pauvreté. Un roman très noir qui traduit admirablement l’ambiguïté entre horreur et pitié. (V.M. et A.-M.D.)
Jesse le héros
MILLMAN Lawrence