La quatrième dimension

FERNÀNDEZ Nona

À Santiago du Chili, en août 1984, un homme grand, mince et moustachu, demande à rencontrer la journaliste qui traite des disparus des années soixante-dix. Ce soldat de première classe, Andrès Antonio Valenzuela Morales, agent de la Sécurité, apporte son témoignage : « J’ai torturé ». Vingt-cinq après les faits, toujours captivée par ces aveux, obsédée par ce « repenti », elle réalise un documentaire sur cette époque.  L’auteur chilienne de cet ouvrage en quatre parties, Nona Fernàndez, est aussi scénariste et actrice. Dans une savante dramaturgie où « l’Homme qui torturait » s’exprime en contrepoint, elle met en scène une période tragique de l’histoire du Chili où se multiplient arrestations, tortures, exécutions, disparitions de victimes avalées par La quatrième dimension (allusion à un feuilleton des années soixante-dix). Cette puissance surnaturelle malaxe et broie les habitants impuissants. Elle évoque la mort de Pinochet, pleuré par ses fanatiques, tandis que brûlent les bougies en l’honneur des absents. L’exfiltration de Morales permet de le garder en vie, toujours prêt à témoigner. La génération suivante peut s’interroger : comment garder une part d’humanité quand tout s’effondre ? Ce beau livre, difficile d’accès, se termine par un poème en prose qui se conclut par « Rien n’est assez irréel pour un fantôme ».  (C.-M.M. et M.-P.R.)