La banane antillaise, pilier de l’économie locale et garante de la paix sociale, a été traitée au chlordécone de 1972 à 1993. Ce pesticide, dont la toxicité était pourtant bien connue, a continué à y être utilisé pour lutter contre les charançons qui ravageaient les bananeraies. Quelques décennies plus tard, les statistiques de cancers de la prostate ont monté en flèche ; les analyses des sols révèlent des concentrations extrêmement élevées du produit, et les rivières et rivages antillais eux-mêmes sont contaminés, menaçant toute l’agriculture, la pisciculture et la pêche en mer.
Revenue habiter dans la Guadeloupe de son enfance, Jessica Oublié y découvre l’existence de la molécule maudite et décide d’enquêter pour démêler les fils d’un scandale sanitaire complexe, antillais et métropolitain, dont les acteurs (politiques, producteurs, chercheurs, avocats et associations) se sont longtemps renvoyé la responsabilité. L’importance économique de la banane en Martinique et en Guadeloupe y a en effet justifié beaucoup d’aveuglements coupables, et il aura fallu des années de mensonges combattus par quelques courageux pour parvenir à la fin de l’utilisation du chlordécone. Au-delà du scandale lui-même, c’est l’occasion pour Jessica Oublié de poser la question de l’avenir des deux îles, durablement polluées, et de leurs habitants. Un livre imposant, une enquête extrêmement fouillée, pour un bilan à la fois consternant et plein d’espoir pour un avenir dépollué.