Qui est cette fillette au visage souriant dont les yeux expressifs semblent répondre, sur l’austère couverture, au titre étrange du livre « Le garçon de mon père » ? Ce père, l’ouvrage lui est dédié : récit structuré sur ses six derniers jours. Emmanuelle Lambert (La Tête haute, Les Notes octobre 2013) est la narratrice, l’auteure, la fille du portrait qui, avec sa sœur, veillera leur père. Sans chronologie, elle révèle un homme vibrant, musicien, cultivé, soixante-huitard ardent, qui valorise ses connaissances mathématiques et les optimise dans l’informatique débutante. Côté cœur, erratique, il se fixe un temps avec la mère de ses filles et l’abandonne, meurtrie. Pourquoi tant de talents inemployés ? Bousculant le présent, Emmanuelle plonge dans les éloquentes révélations des souvenirs familiaux : obstacles possibles au non-accomplissement de cet homme qui envie chez sa fille, son garçon manqué, son miroir, cette adulte riche d’une filiation acceptée, revendiquée, reconnaissante. Dans ce livre très personnel, père et fille, à l’amour réciproque, délimitent leur place en ce monde, d’aujourd’hui, voire de demain ? Avec un hommage à une mère dont l’équilibre a balisé sa construction, la fille rejoint le monde des femmes. Ce tombeau littéraire, à l’écriture subtile, offre à un père « élucidé » sa vraie place dans l’éternité du souvenir, loin du livre de deuil à la fragile temporalité. (A.C. et B.T.)
Le garçon de mon père
LAMBERT Emmanuelle