En 2004, au cours du déménagement de l’un des avocats de la commission atomique qui a instruit la condamnation de Robert Oppenheimer, des dossiers de la vie du célèbre physicien refont surface, depuis l’apogée du « doctor Atomic », père de la bombe A, à sa chute en 1954 dans un procès humiliant, ourdi par les machinations de ses détracteurs. Après la guerre, son opposition à la bombe H et son engagement pour partager les connaissances lui valent l’hostilité féroce du puissant complexe militaro-industriel allié au FBI qui le surveille pour ses lointaines accointances avec les communistes.
Bousculant la chronologie, Virginie Ollagnier (Rouge argile, Les notes septembre 2011) précise cependant les dates des documents qui constituent les temps forts de la carrière d’Oppenheimer afin de structurer la construction du récit. La psychologie complexe du personnage est bien fouillée : humaniste, attachant, aimé des femmes, il est parfois ambigu, souvent flou mais pragmatique et se pense inattaquable. Pourtant la terrible machine de déstabilisation et de désinformation scelle son sort. D’ailleurs un parallèle intéressant est fait sur la manipulation de la population lors de la guerre en Irak en 2004. Le contexte géopolitique des débuts de la guerre froide et la paranoïa s’emparant des États-Unis sont justement évoqués. Exigeant une lecture attentive, ce roman bien documenté met plus l’accent sur les hommes, leurs grandeurs et leurs misères… que sur les atomes. (C.-H.P. et M.Bo.)