Sur les traces de Marie Mirgaine…
Marie Mirgaine est née en 1989. Après des études dans différents domaines artistiques (graphisme, art dramatique) et une expérience dans la communication visuelle et la presse, elle intègre la Haute École des Arts du Rhin, section illustration, dont elle sort diplômée en 2015.
Son premier album, Kiki en promenade, très remarqué, est publié par les Fourmis rouges en 2019.
En quelques années, Marie Mirgaine, par son ton, son originalité graphique intégrant de multiples techniques, et son art des plans et du cadrage scénique, est devenue l’une des « artistes du livre » les plus talentueuses de sa génération.
Mais où est-elle ? L’histoire…
Alors qu’un bonhomme à l’allure d’un bon gros géant proclame « je suis prêt ! » , la perruque blonde dont il est coiffé s’envole. Bien sûr, il veut la rattraper, n’y parvient pas, la cherche… et se méprend à maintes reprises. Ainsi le voilà coiffé tour à tour d’une algue frisée, d’un fromage coulant, du chat du voisin, d’une vieille serpillère, et même d’une bouse de vache… avant de la retrouver entre deux branches d’arbres, métamorphosée en nid d’oiseau.
– La voilà !
– Mais oui ! cette fois, c’est bien elle. Ma perruque préférée.
– Allez, je vous la laisse, mes petits. Elle vous va mieux qu’à moi .
Un album à la thématique certes bien connue, qui joue de façon comique et attendue sur la répétition et la méprise ; mais ici, le comique oscille entre absurde et burlesque, et l’album devient théâtre.
La genèse du livre, une histoire spontanée
« J’ai « une routine d’écriture » où j’écris mes idées ; elles murissent avec le temps ; j’ai des ingrédients, je mélange.
J’avais envie d’un livre qui fasse rire, avec des répétitions …
C’est en échangeant avec mon compagnon, en riant nous-mêmes, c’est venu spontanément. Ça été très vite. Il fallait que ça reste spontané !
Et ça a été aussi rapide dans le retour enthousiaste de mon éditrice. » (Marie Mirgaine)
Une scénographie visuelle, un personnage marionnettique
« Pour les images, c’est une autre énergie, une autre concentration.
Il me fallait trouver une technique qui se suffise à elle-même.
Au départ, ça me paraissait trop sophistiqué ; il a fallu épurer, épurer… J’ai cherché, cherché…
J’ai alors pensé à une technique avec une table lumineuse, pour créer des effets de transparence. » (Marie Mirgaine)
Malgré ce qu’on pourrait croire, rien n’est numérique. Tous les éléments de l’image sont créés séparément avec différents papiers (noir opaque, tramé, calque, papier de soie) peints ou dessinés, découpés, puis assemblés sur table lumineuse.
Quant au personnage, articulé comme une marionnette, c’est un clin d’œil aux planches de jeux cartonnées d’autrefois avec poupées, pantins et accessoires à découper et assembler avec des attaches parisiennes.
Stylisé, mais d’une grande expressivité, il est toujours vu de profil, laissant place à l’imaginaire de chacun à une interprétation côté face.
Sa tête, ses mains et chaussures sont en papier noir opaque, tranchant avec le corps et les jambes. Son œil – découpé dans la couleur noire – a la forme d’un croissant de lune, jaune, comme sa perruque et les éléments dont il se coiffe successivement. Grand corps dans le paysage – presque contraste avec son rôle de clown rêveur et naïf – il se leurre à maintes reprises pour le grand bonheur des enfants qui, eux, savent déjà qu’il se trompe !
C’est toute une réflexion qui précède la création en elle-même. Comment induire ? Comment « donner à voir » ? C’est toute cette inventivité et ce subtil jeu graphique de mise en scène qui font de ce petit album un grand album !
M.-Thérèse Devèze
Comite de lecture jeunesse
Février 2023
Marie Mirgaine : Mais où est-elle ? Éditions Les Fourmis rouges, 2022