« Nous voici dans la Scala de Milan… une scène mythique où fut consacrée, entre beaucoup d’autres, la divine Callas », annonce Enzo à son escorte de touristes. « Peuh ! Cette grosse Grecque, mal fagotée, capricieuse, maniaque, abusive… Elle avait une voix tonitruante, une vraie sirène de pompiers ! », complète une vieillarde vêtue d’oripeaux, « moi je suis Carlotta Berlumi, la rivale de Maria Callas ». Cantatrice elle-même, à la modeste carrière, Carlotta s’évertue, une fois encore, à dénigrer la diva qui, dit-elle, n’aurait cessé de semer des embuches sur son parcours…
Eric-Emmanuel Schmitt (Le défi de Jérusalem, Les Notes mai 2023), avec beaucoup d’ironie et de malice, fait un impitoyable portrait de cette Carlotta, mauvaise, manœuvrière, médiocre. Fort occupée à choisir ses amants d’occasion, elle a été trop obnubilée par son complot imaginaire pour reconnaître ou même ressentir l’exceptionnel talent de celle qu’elle présente comme sa rivale, ce qui implique malgré tout une flatteuse égalité… Derrière son histoire se dessine le destin tragique et bien connu de la Callas triomphante, admirée, écoutée et adulée dans le monde entier avant de mourir dans la solitude et les larmes. Une évocation mélancolique, fine et retenue, de celle qui donna tout à la scène, menée de main de maître par un conteur hors pair. (M.W. et A.-M.G.)