Né après-guerre d’un père anglais militaire et d’une mère qui a eu deux enfants d’un premier mariage qu’elle a éloignés, Roland Baines est envoyé en pension près de Londres. Une professeure de piano de dix ans son aînée fait de l’adolescent son amant captif. Pour lui échapper, il fuit et renonce aux études. S’ensuit une période peuplée de petits boulots, voyages et liaisons éphémères. En 1977, il rencontre Alissa dont il a un fils. Mais elle s’enfuit seule en Allemagne, inexplicablement.
L’écrivain anglais (Le cafard, Les Notes avril 2020) publie son livre le plus abouti où il met beaucoup de lui-même. Le personnage principal se dessine progressivement, tantôt au présent chronologiquement, tantôt à travers ses souvenirs épars. Il comble les blancs et émotions occultées dans les photos, et son journal par l’introspection. Pourtant doué, généreux, il se voit comme « l’homme sans qualités ». Instable en amour, musicien amateur, mauvais poète, sportif inaccompli, velléitaire. Se complaît-il dans ses rêves inaboutis, dont seul le hasard serait responsable ? Ses ascendants et proches sont aussi subtilement analysés avec leurs failles et secrets peu à peu dévoilés. L’histoire contemporaine, où l’on peut se reconnaître, est inséparable de la vie de cet antihéros humain, travailliste modéré, soucieux de l’avenir de la liberté. Un roman prodigieux d’intelligence et de sensibilité. (L.G. et A.Le.)