Rousse, jeune renarde intrépide et libre, quitte à regret les bois où elle a grandi. La sécheresse s’est installée, eau et nourriture viennent à manquer. Diverses embûches l’attendent sur sa longue route solitaire à destination des montagnes enneigées qu’elle aperçoit au loin. Des dangers et des amitiés. Une ourse maternelle la sauve d’une harde de loups. Elles cheminent ensemble, puis un vieux corbeau plein de sagesse prend le relais. Rousse veut traverser le grand fleuve qui barre sa route, voir le monde, faire des rencontres, toujours plus loin.
Sous des allures trompeuses de conte philosophique et de roman d’apprentissage, Denis Infante délivre un surprenant réquisitoire écologiste et féministe, pour tous. Le lecteur perçoit vite que Rousse parcourt un monde sans humains où ne subsistent que les traces d’un cataclysme dévastateur ancien. La nature et ses habitants rescapés, « vivants mobiles ou immobiles », ont souffert, gardent des cicatrices, mais se relèvent. Là où les humains ont échoué, leur instinct animal développé les a sauvés. Ils font face avec des compétences adaptées aux effets du désastre écologique dont ils ont hérité. Ils apprennent la transmission. L’auteur dépouille son écriture de tout article, défini, indéfini ou possessif. Il invente ainsi une langue intemporelle, sensible et poétique, qui épouse la beauté des descriptions des paysages et des comportements des animaux. Splendide. (T.R. et S. H.)