Jeannot, dernier de la fratrie, naît en 1939. Son père évite ainsi la conscription, il reste à la ferme, grande, récemment acquise. Le village entier crache sa jalousie sur ces nouveaux venus. À l’intérieur de la maison, le cercle familial est barbelé, terrifiant. Le père fait subir à l’une de ses deux filles l’indicible. Les sœurs et leur petit frère grandissent dans un silence cadenassé, rompu seulement par la voix paternelle rugissante et la haine d’une mère qui jamais n’a donné la moindre caresse. À dix-huit ans, Jeannot part pour la guerre en Algérie et sombre à son retour dans la folie.
C’est sur les souffrances et la solitude de cet homme que Perrine Le Querrec vient mettre des mots. Elle se glisse dans les peurs et les égarements de l’enfance, les traumatismes de la guerre, la démence qui prend le pas. Il s’agit là d’un livre-poème, qui suggère avec une force profonde, un réalisme à la fois explosif et elliptique, la violence des persécutions parentales. Et leurs conséquences destructrices. Violence et beauté, rendus par le verbe inséparables, même si l’on peine à respirer tant les mots sont crus, terribles. Jeannot connaît une étincelle de délivrance, en entamant le plancher de la ferme à la chignole, en y inscrivant une soixantaine de lignes-réquisitoire en lettres capitales, jusqu’à mourir de faim et d’épuisement. Le Plancher de Jeannot est en ce moment exposé au Musée d’Art et d’Histoire de l’Hôpital Sainte-Anne à Paris, et ce jusqu’au 27 avril 2025. (P.H. et C.A.)