Damien est fou de Mélodie : il a osé lui dire qu’il l’aime, elle a répondu « Moi aussi… » ; ils se reverront samedi, peut-être… Malo peut-il tenter sa chance auprès de Bettina, la forte en thème ? Il se plonge dans les livres de poésie du CDI pour être à la hauteur et lui déclarer son amour, samedi. Pendant ce temps, la mère de Mélodie se rappelle avec émotion un amour de jeunesse : ira-t-elle samedi à la séance de signature du lycéen d’hier devenu écrivain ? Pendant ce temps, la mère de Mounir efface des slogans racistes sur sa vitrine.
Nous sommes quelque part, en France, dans une ville comme les autres, un quartier comme les autres, métissé et vivant, avec ses amitiés fortes et son racisme ordinaire, ses magasins, ses transports en commun, sa médiathèque, son collège. Du mercredi au samedi, s’y jouent les espoirs, les doutes, les joies et les déceptions des uns et des autres, jeunes ou adultes. La vie est ainsi faite ; les sentiments ne sont pas toujours partagés, le coeur balance, la timidité bloque l’élan. Mais on essaie, on ose ; et les copains sont là pour donner un conseil et étoffer une galerie de portraits d’adolescents.
Une chorégraphie plutôt, tant il y a de mouvement dans cet espace de quatre jours, tout entier tendu, depuis le premier acte du mercredi, le jour des enfants ( !) vers le dénouement du samedi. Ah ! La magie des samedis ! Loin des clichés provocateurs concernant la précocité des jeunes, on ne badine pas avec l’amour ; les coeurs de ces amateurs de tatouages ou de piercings battent du même rythme que celui de leurs aînés, pudiques et romanesques ! Ce carrefour sentimental évite la mièvrerie de la romance, dynamisé par des dialogues pleins d’humour qui saisissent parfaitement la saveur du langage courant d’aujourd’hui, pris sur le vif, sans le caricaturer. Zaü a donné à chacun des visages et des corps, dans un cadrage à la Mondrian, un puzzle géométrique toujours différent. Le rouge et le noir y dessinent à grands traits le décor urbain du roman et ses détails pittoresques ; les aplats gris qui jouent avec le blanc donnent relief et expressivité aux personnages, en captent les postures comme le mouvement. Jamais la couleur ne les fige ; au contraire, elle les fait bouger, dans un jeu d’ombre et de lumière !
Loin de la BD et de ses bulles, ici, la priorité ne revient ni au texte, ni à l’image, dans un fondu-enchaîné où l’une ajoute à l’autre pour une lecture continuée Avec ce premier titre, Rue du Monde inaugure une nouvelle collection intitulée : Roman-BD. La qualité de A samedi tient à l’efficacité narrative d’une écriture à deux voix absolument complémentaires.(C.B. et A.-M.R.)