Quarante ans, c’est bien jeune pour évoquer sa vie, mais Edwige Danticat, nouvelliste et romancière d’origine haïtienne qui écrit en anglais, n’a pas attendu pour le faire. Elle rend hommage aux siens dans une autobiographie intense et pudique. À travers l’histoire de sa famille, des années cinquante à nos jours, elle relate les terribles souffrances endurées depuis des décennies par le peuple haïtien.
Elle a deux ans lorsque son père s’exile à New York. Quatre ans lorsque sa mère le rejoint. Edwige et son frère sont alors confiés à leur oncle, un pasteur baptiste d’une grande générosité. Rendu muet par la maladie, celui-ci confie à des bouts de papier ce qu’il ne peut dire, écrits qui fascinent Edwige. C’est seulement une dizaine d’années plus tard que frère et soeur rejoignent leurs parents quasi inconnus et leur nouvelle fratrie. Une fois adulte, Edwige retourne à Haïti où tout a changé. Pas en mieux. Elle fait tout pour que son oncle, son deuxième père, vienne la rejoindre aux États-Unis. Mais le pays de la liberté n’est pas tendre avec ceux qui veulent immigrer.
L’écriture est simple, fine et sensible, le récit attachant : comment ne pas s’émouvoir de la vie brisée de cette famille aimante qui tente jusqu’au bout de sortir de la violence politique de ces terribles années pendant lesquelles sévissent les tontons macoutes ? La vie, mais aussi la maladie et la mort en Haïti scandent les souvenirs de cette femme. C’est l’authenticité qui fait la force de ce témoignage passionnant, primé aux États-Unis, qui nous porte encore plus loin que les romans qui l’ont précédé.
B. D.-M. et C. G.