Ainsi parlait Jules

DAULL Sophie

Petite fille, Sophie étudie le piano consciencieusement, avec application : exercices, lectures, déchiffrage… À dix ans, elle accompagne une riche tante aristocrate dans ses bonnes œuvres. À vingt-et-un ans, elle suit Julius en Espagne, pour un projet fou qui tourne au désastre. À cinquante-trois ans, dans un salon littéraire, elle s’entretient avec un retraité bénévole : elle est touchée par sa lucidité, sa dignité. Chaque tranche de vie est suivie de l’intervention d’un censeur, « Jules », narquois et péremptoire, ironisant sur le comportement altruiste et hypocrite de la narratrice.

Souvenirs, réminiscences de moments particulièrement intenses dont l’auteure reprend conscience, ici Sophie Daull poursuit par fragments son autobiographie (Au grand lavoir, Les Notes octobre  2018). Cette recherche du temps perdu nourrie de savantes références (Nietsche, Tabucchi), de culture grecque, approfondit une doctrine morale du bien et du mal, tout en déplorant la fatalité de la pauvreté et de l’échec. Intime, très jeune, d’un déclassé au point de se mettre en danger, la narratrice se complaît à s’humilier, à se dévaluer. On ne sait où prend racine sa culpabilité constamment exposée. Des poèmes en vers libres insérés entre les récits servent d’exutoire, espace bienvenu de liberté. L’écriture est envoûtante, aérienne, superbe. (M.Bi. et H.V.)