Allers-Retours

LE COMTE Nina

À la descente du bateau, la deuxième partie du cauchemar attend celui qui vient d’ailleurs, seul, un baluchon à la main, un sac sur le dos : invisible dans la foule qui vaque à ses occupations dans la rue , mais rattrapé par la grande main de la machine administrative qui indique le parcours à suivre, incompréhensible, semé d’embûches et de chausse-trappes. Au bout de l’itinéraire aller, le retour.

Un album désespérant qui illustre sans parole une phrase de Simone Weil en exergue, dénonçant l’indifférence de tous à l’égard de ces voyageurs invisibles. Comment en parler à des enfants ? L’aquarelle dessine des silhouettes anonymes ; la machine à exclure n’est qu’une grande main qui assure la tranquillité des uns en aiguillant les autres vers des portes identiquement sans issue et des escaliers inachevés. Métaphores kafkaïennes de notre monde. Le bleu de la mer, bleu nuit, renvoie au néant celui qui a cru le quitter. Faut-il en parler aux enfants ? Oui en les accompagnant dans la lecture de cet album pudique, élégant, respectueux de son sujet, le choix du silence évitant le piège du pathos édulcoré. Un apprentissage du tragique. (C.B.)