Mao, à peine installé au pouvoir en 1949, décide que ce sont des Chinois qui les premiers conquerront le mont Everest (8849 mètres) par son versant tibétain. Mais comme il n’y a aucun alpiniste en Chine, il ordonne le recrutement d’une cinquantaine d’étudiants, de paysans, d’ouvriers… sélectionnés sur des critères politiques plutôt que sur leurs capacités physiques. Ils sont envoyés se former en URSS, ce pays-frère où Staline a déjà utilisé l’alpinisme pour sa propre propagande. Après de multiples tentatives, trois d’entre eux parviendront (en tout cas selon leurs dires), le 25 mai 1960, à planter un drapeau chinois et à déposer un buste de Mao au sommet nommé « Qomolangma » par les Tibétains. Après une courte célébrité, ils sont ensuite complètement oubliés.
Cédric Gras (Saison du voyage, les Notes avril 2018), qui a reçu le prix Albert Londres en 2020 pour son ouvrage précédent Alpinistes de Staline, parvient à reconstituer en partie la vie de certains de ces pionniers après des recherches difficiles dont il ne cache pas les nombreux aléas. En toile de fond, l’histoire effrayante de la Chine sous Mao, et en particulier la conquête cruelle du Tibet secoué par de multiples révoltes. Un récit captivant d’une entreprise insensée, aussi méconnue aujourd’hui qu’elle a paru extraordinaire autrefois. (C.P. et A.-M.G.)