Bleu et rouge avec des yeux jaunes, Amos le koala multicolore habite un pays noir comme la nuit. Les habitants semblent couverts de suie et la singularité d’Amos est mal perçue. Hasard ? Providence ? Amos ouvre une boîte noire d’où il libère un arc-en-ciel tourbillonnant, un trésor qu’il sème à tous vents sans se lasser. Les couleurs gagnent du terrain dans ce pays écrasant d’obscurité, attirent et séduisent d’autres animaux multicolores. Amos est libéré de sa solitude.
L’arc-en-ciel apparaît dans la boîte trouvée au creux d’un arbre, mais un instant plus tard se déploie de la tête d’Amos, image significative. Car si le thème de la différence est bien présent, l’idée d’une force à puiser en soi pour surmonter la noirceur ambiante, vaincre sa solitude et construire une société multicolore est exprimée avec intensité par le texte et par l’image.
Si le contenu est riche, le texte est sobre, avec des mots choisis pour leur efficacité. Son rythme suit le sens de la phrase : haché, pesant, il prend vie à mesure que les couleurs apparaissent, fait silence dans certaines pages et se prête admirablement à une lecture à voix haute. Á la lecture autonome aussi, avec ses caractères familiers des enfants en apprentissage de lecture. En écho parfait au texte, les illustrations ont un pouvoir de séduction immédiat. Le jeu sur le noir et blanc des paysages contraste avec l’adorable koala, personnage stylisé paré des trois couleurs primaires. Le travail à la craie apporte des nuances et de la douceur au noir et permet d’oser des pages entièrement sombres où l’oeil perçoit, en accommodant dans la nuit, des points de couleurs. Le chemin vers la lumière et les rencontres heureuses ne se parcourt pas en un jour et cette progression du soleil sur l’ombre est magnifiquement exploitée sur le plan graphique. A.-M.R. et B.A.