Née en Estonie, émigrée à dix ans en France avec sa mère, Kadri Raud est aujourd’hui une spécialiste des traditions finno-ougriennes. La mort de sa grand-mère Eda, femme inflexible qui régentait toute la famille à l’époque soviétique, est l’occasion pour Kadri de plonger dans ses souvenirs, dans les bouleversements de l’Estonie, dans la géométrie familiale complexe. La découverte de lettres adressées à Eda par une amie déportée en Sibérie apporte une autre dimension, filiale et historique. Après Un roman estonien (NB décembre 2010), Katrina Kalda poursuit son voyage intime au coeur de son pays natal. Roman ou autobiographie déguisée ? L’auteur semble puiser dans ses propres souvenirs pour construire l’héroïne, tant sont proches leurs itinéraires. Elle fouille sans complaisance les caractères de ses personnages pris dans la tourmente de l’Histoire. L’Estonie est au centre du récit, ainsi que la misère et l’oppression de l’occupation soviétique après le joug nazi, et les dérives de l’indépendance. L’intérêt du sujet, la qualité de l’écriture, incisive, évocatrice, au français élégamment maîtrisé, la construction solide malgré les va-et-vient incessants dans le temps, et la tonalité d’espoir paradoxalement portée par les lettres d’exil, donnent à ce livre originalité, force et émotion.
Arithmétique des dieux
KALDA Katrina