Avenue des géants

DUGAIN Marc

États-Unis, années soixante. D’une intelligence exceptionnelle, Al est un adolescent maltraité par sa mère. Confié à ses grands parents paternels l’année de ses seize ans, il les assassine froidement. Cinq ans plus tard, à sa sortie d’un hôpital psychiatrique, il voit ses espoirs d’intégrer l’armée ou la police contrariés par sa taille et sa corpulence hors norme. Il doit alors affronter ses démons. S’inspirant d’une histoire vraie, Marc Dugain (L’insomnie des étoiles, NB octobre 2010) signe ici un livre extrêmement fort sur la psychose meurtrière. Paradoxalement cette force réside dans le non-dit des faits, leur non-description. Tout est dans l’art de suggérer. La construction, extraordinairement habile, exploite le dédoublement de la personnalité du héros, à la fois ange et démon, dont la confession est d’un détachement inouï. Dugain réussit le tour de force d’explorer le cerveau d’un psychopathe en suscitant une empathie qui ne cautionne en rien l’horreur. Son analyse des racines psychologiques d’Al, soumis à une « véritable entreprise de destruction de l’affectif», de son désir de « recoller au train de l’humanité », est remarquable. Une excellente peinture de l’Amérique des années soixante et du monde hippie contribue à la réussite de ce roman très dur. Du grand art !