Badjens

MINOUI Delphine

NĂ©e en 2006 Ă  Chiraz, je suis Zahra , nom choisi par mon pĂšre dĂ©plorant ma naissance de fille, alors qu’il fĂȘtera celle de mon frĂšre. Pour ma mĂšre, je suis Badjens, « l’effrontĂ©e » en persan. Ma jeunesse a Ă©tĂ© soumise Ă  un rĂ©gime draconien appliquant strictement les prĂ©ceptes religieux. À l’Ă©cole, nos enseignantes imposent un vĂ©ritable dressage ; ma grand-mĂšre m’enseigne le Coran chaque semaine ; mon pĂšre m’adresse peu la parole… Mais dĂšs qu’il est absent, c’est la fĂȘte : alcool, musiques occidentales et danses sont de mise. Je deviens tatoueuse. Mort Ă  ce rĂ©gime qui veut confisquer notre vie !

En un long monologue intĂ©rieur, fait de phrases scandĂ©es comme un poĂšme, Delphine Minoui, journaliste d’origine iranienne (L’alphabet du silence, Les Notes avril 2023), exalte par la bouche d’une adolescente la naissance du mouvement « Femmes, Vie et Liberté » nĂ© en 2022 aprĂšs l’exĂ©cution de Masha Amini. Garçons et filles clament leur refus des rĂšgles imposĂ©es par le rĂ©gime des mollahs, thĂ©ocratique et guerrier, dĂ©niant toute existence aux femmes. Se dessinent de lumineux portraits – Ă  l’opposĂ© de la police fĂ©minine qui surveille le port correct du voile — : la mĂšre, rebelle en son temps, qui a reportĂ© ses espoirs déçus sur sa fille n’est qu’amour et indulgence ; la grand-mĂšre, veuve d’un hĂ©ros de la guerre d’Irak, est attachĂ©e au rĂ©gime mais adore sa petite-fille. Sont clairement mis en valeur le rĂŽle de la jeunesse qui a accĂšs au monde occidental grĂące aux VPN (rĂ©seaux privĂ©s virtuels) et, corrĂ©lativement, celui d’Internet, et des rĂ©seaux sociaux permettant une mobilisation rapide et massive. Un livre poignant mais porteur d’espoir. (E.L. et A.Be.)