Pendant cinq ans, Apollonie Sabatier, modèle d’atelier, muse de nombreux artistes, rêve d’être l’amante de Charles Baudelaire qui l’a sublimée dans dix poèmes des Fleurs du Mal. Elle est follement éprise de cet homme grave et séduisant qui fréquente, comme tant d’autres artistes, son salon très recherché. Le 27 août 1857, elle lui donne un rendez-vous non équivoque dans son boudoir raffiné.
Dans ce premier roman qui prend l’allure d’un long prélude à l’amour charnel, Céline Debayle limite volontairement cette célèbre relation à une seule nuit d’étreintes. L’attente amoureuse se décline dans de courts chapitres sous forme d’introspections, de correspondances et de doutes. Évoquant habilement l’époque et le milieu intellectuel dans lequel évoluent les futurs amants, elle s’en échappe pour interroger l’instant, le désir de l’un, celui de l’autre, et analyse avec justesse le rapport du poète à la femme sublimée, l’amour et le dépit amoureux. L’intimité de ces deux êtres complexes est évoquée avec élégance. Si la femme libre, experte en amour, est conquise, que devient la madone, la « chair spirituelle » de cette grande séductrice, née sous la plume de l’écrivain tourmenté ? Pari audacieux, ce texte court, très sensuel, érudit sans excès, est original et bien maîtrisé. (R.C.G. et E.B.)