Bel ordure

FONTENAILLE Élise

Jusqu’Ă  l’aube la sonnette a hurlĂ© Ă  la porte d’Eva. Elle n’a pas ouvert, dĂ©cidĂ©e Ă  rompre avec celui qui avait enivrĂ© ses jours et ses nuits d’un amour effrĂ©nĂ©. Elle l’avait rencontrĂ© dans un Ă©trange bar-brocante, et ce fut un coup de foudre pour Adama, l’homme le plus beau qu’elle eut jamais vu : « un Nijinski noir » de soixante-trois ans au passĂ© mystĂ©rieux, vivant dans un squat Ă  Montreuil. Folle de lui, elle l’installe chez elle, mais il s’Ă©chappe parfois, revient ivre mort, rassasiĂ© de femmes de rencontre.   Elise Fontenaille (Les disparues de Vancouver, NB avril 2010) brille dans l’Ă©vocation du corps de ce danseur, « une sculpture d’argile sombre », douĂ© d’une sensualitĂ© ensorcelante. Ce premier roman d’amour d’une auteur aux multiples facettes n’est pas un hasard. Ces moments de bonheur immense, cette emprise d’une rare violence dont le dĂ©tachement reprĂ©sente une terrible souffrance, prennent toute leur intensitĂ© lorsque l’auteur avoue : c’est une autofiction. La narratrice est son double, le souvenir d’un Ă©blouissement l’habite toujours mais il se teinte de luciditĂ©, de cet espace de libertĂ© qui fait mauvais mĂ©nage avec la passion. (V.M. et C.-M.T.)