Un expert-comptable, de bonne souche lyonnaise, fils posthume d’un héros de Diên Biên Phu, reçoit un « petit vieux monsieur » qui souhaite l’entretenir d’une histoire, celle de Zoé et de son frère dont le visiteur fut l’ami jusqu’à l’entrée à l’université. Adoptés à la fin de la guerre, ces enfants distingués et mystérieux ne connaissent pas leur passé familial. L’aînée garde une seule image de son père, image terrifiante sans doute liée à l’Occupation ou à la Libération. Son interlocuteur en saurait-il davantage ? Ce discours alambiqué – qui réussit pourtant à charmer l’épouse de l’expert-comptable – fatigue autant celui-ci que le lecteur. La narration est entrecoupée de réflexions insidieuses, de souvenirs et se poursuit par courriels. Mais patience ! Éminent médiéviste qui s’adonne parfois au roman, Michel Zinc (Un portefeuille toulousain, NB Novembre 2007) est un manipulateur adroit. Sous le style empesé circule l’ironie ; l’ambiguïté des deux protagonistes, leur antagonisme sournois transpercent ici et là les propos bienséants… La vérité occultée par le souci des convenances se dévoile enfin, compliquée, bouleversante. L’atmosphère des cercles bourgeois lyonnais, la vie scolaire de l’après-guerre, la géographie de la ville sont évoquées si précisément, si intensément, qu’on les imagine retrouvées dans d’heureux souvenirs d’enfance. (M.W. et A.-M.D)
Bérets noirs, bérets rouges
ZINK Michel