François David et Henri Galeron proposent un recueil de trente-deux poĂšmes en prose illustrĂ©s par des dessins. Le ton est donnĂ© par la premiĂšre et par la quatriĂšme de couverture. Lâune invite au silence, un doigt posĂ© sur des lĂšvres closes ; lâautre Ă jouer avec les mots, avec les lettres : il suffit de changer lâinitiale pour faire de la mouche de Motus qui scelle les lĂšvres, une bouche cousue !
Ă lâintĂ©rieur, sur un beau papier recyclĂ© Ă©pais et grainĂ© gris clair, sâexprime la vanitĂ© des bavardages stĂ©riles oĂč personne nâĂ©coute, oĂč l’on nâentend que soi, oĂč le sens se dissout dans la cacophonie, oĂč le vacarme des discussions pollue les lieux ou les relations. En contrepoint, dâautres poĂšmes illustrent le charme du dialogue de bouche Ă oreille, le langage du corps pour mieux dire les Ă©lans du coeur.  Dâautres encore enfin disent la valeur du silence, parfois plus expressif qu’un discours, et de certains moments de solitude.
Câest Ă la poĂ©sie du langage quâinvitent les deux auteurs : sens, double sens, les mots font rĂȘver et leur graphisme se prĂȘte Ă bien des jeux, comme les intervalles qui les sĂ©parent, au mĂȘme titre que les silences en musique, ou une tĂȘte entiĂšrement constituĂ©e de « tu parles ». En cohĂ©rence avec le thĂšme de l’ouvrage, la concision s’impose… Ou comment suggĂ©rer plus en disant peu : quelques lignes brĂšves et l’esprit et l’Ă©motion se laissent emporter, surpris de cette simplicitĂ© Ă©loquente et tellement juste.
Quant aux dessins qui accompagnent les poĂšmes, parfois proches du surrĂ©alisme, ils ouvrent dâautres portes Ă lâimagination. En noir et blanc, d’un trait d’une extrĂȘme finesse, tantĂŽt drĂŽles, tantĂŽt tendres, ils offrent un miroir au texte, s’y entremĂȘlent, explicitant et prolongeant les mots. L’inventivitĂ© toujours renouvelĂ©e de l’artiste fascine : phrases qui tombent comme des gouttes de pluie de visages-nuages, hommes perchĂ©s comme des perroquets dans leur cage. Yeux, bouches et oreilles se dĂ©placent, se dĂ©forment, s’amplifient ou se libĂšrent du corps, suggĂ©rant une infinitĂ© de formes de communication. Lâensemble, trĂšs cohĂ©rent, se prĂȘte Ă merveille Ă plusieurs niveaux de lecture.