Dans sa chambre viennoise oĂč le sommeil le fuit, Franz Ritter, musicologue orientaliste, maudit son voisin bruyant, se dĂ©sespĂšre sur lui-mĂȘme. Surtout, il guette en vain un message de Sarah, centre solaire des souvenirs quâil Ă©grĂšne au fil des heures, de confĂ©rences en concerts, de citadelles ou de tentes du dĂ©sert en rĂ©sidences raffinĂ©es⊠Alep, Damas, Palmyre, Istanbul, le Caire, TĂ©hĂ©ran⊠Ils y ont partagĂ© les lieux, la culture, les gens, retrouvĂ© les traces des Ă©changes Est/Ouest, va-et-vient millĂ©naires vĂ©hiculant images et fantasmes. Mais Sarah est partie en Orient extrĂȘmeâŠ
Entre un homme et une femme comme entre deux civilisations, les identitĂ©s sâinterpĂ©nĂštrent, sâaffrontent de part et dâautre, dĂ©couvrant une altĂ©ritĂ©, souvent nimbĂ©e de mythe. DĂ©marches complexes quâexplore ce roman. Les rĂ©fĂ©rences musicales, littĂ©raires, archĂ©ologiques, historiques y abondent. LâĂ©rudition de lâorientaliste Mathias Enard affleure en continu Ă la surface dâun texte fragmentĂ©, tour Ă tour familier, grave, amusĂ© ou mĂ©lancolique : le narrateur, cĂ©libataire hypocondriaque, campe quelques caractĂšres mĂ©morables (Ă clĂ©s ?), dĂ©taille la rĂ©volution iranienne ou les parcours de soldats coloniaux en 1914, cite Pessoa ou Goethe. Les liaisons narratives ou chronologiques qui pourraient ĂȘtre hasardeuses consolident, presque toujours avec bonheur, ce voyage au bout de la nuit. (M.W. et C.R.P.)