Gabriel rencontre Suzanne, belle, intelligente, spécialiste des chauves-souris. Lui est ingénieur, professionnel des écluses, écrivain à ses heures. Coup de foudre ! Il la demande en mariage le lendemain de leur rencontre. Passionnés de sciences et de mots, ils discutent interminablement, mais des nuages et une certaine froideur ternissent peu à peu leur entente. Ils divorcent cinq ans plus tard, face à une juge perplexe qui « sent en eux beaucoup d’amour ». C’est sous forme d’une longue lettre du mari à cette juge qu’Erik Orsenna (Beaumarchais, NB novembre 2019), merveilleux conteur, décortique les causes navrantes de ce naufrage. Il y analyse de façon décalée, pleine d’humour, la vie à deux et le sentiment amoureux, réfléchit sur la vie en général et les rapports humains. Sur l’Alaska, où s’est réfugié l’amoureux transi, sur l’ambiance qui y règne, les rencontres pittoresques qu’il y fait, il écrit des pages prenantes, fortement évocatrices, qui ramènent toujours à cet amour raté. Car sa trouvaille, le côté le plus séduisant du livre, est cette subtile métaphore suggérée entre les glaces de l’Alaska et celles qu’il faut briser entre deux êtres pour ne pas se « manquer ». Quelques longueurs, mais on déguste le style riche et savoureux de ce fou des mots. (V.A. et M.-N.P.)
Briser en nous la mer gelée
ORSENNA Erik