Charlie, la souris écrivain, est en mal d’inspiration et se sent terriblement seule. Il y a bien la musique de Django Reinhardt, ou la girafe qui vient soudainement enguirlander sa façade, et surtout l’oiseau bleu, le bien nommé Mr Solitude. Mais Charlie le petit rongeur a du mal à comprendre ce que l’oiseau tente de lui expliquer sur son incapacité à communiquer avec les autres. Se complairait-il dans l’isolement coloré de ses rêves d’enfant ? Le jour où le petit oiseau l’entraîne dans une nacelle de la grande roue installée pour le carnaval, la vie dudit Charlie va basculer, dans tous les sens du terme.
Petite thèse en images autour de la solitude sous toutes ses formes : celle de l’individu dans la cité, de l’auteur devant sa page blanche, celle que l’on subit ou que l’on s’impose sans le vouloir, en ne s’ouvrant pas aux autres, celle que la fête rend plus difficile à supporter. Auteur de Betty Blues, Renaud Dillies, connu pour ses albums mêlant musique et monde animalier, crée ici une ambiance à la fois souriante et triste, mélancolique. Dans ce nouveau conte poétique, il propose une jolie ballade où la solution subtile, tendre et drôle, à l’effrayante solitude se fait jour avec nuances, à condition de savoir discerner cette chance quand elle passe. Chaque page, découpée en gaufrier régulier, permet des angles de vue et de jeux de composition accentuant les sentiments du personnage, point de mire de tout le récit. Les teintes brunes et ocre prédominantes, rehaussées de la touche de couleur vive de l’oiseau bleu, ou de celles du carnaval bigarré, donnent une tonalité précise au décor à l’encre noire parfois habillé d’une foule de détails inattendus. Avec des références graphiques à Windsor McCay et Art Spiegelman, et dans une qualité éditoriale et artistique digne de la meilleure tradition de la bande dessinée, cet album différent, épais, s’adresse, sous une apparence presque enfantine, plutôt à des adolescents, et aux adultes.