Juste après avoir quitté Geoffrey, Noémie entame une correspondance avec Jeanne, la mère octogénaire de son ex-amant. D’abord centrés sur les circonstances de la rupture, les premiers échanges virent à l’acide. La jeune femme se répand en récriminations sur l’âge, le physique et le comportement du fils. La mère regimbe et riposte en dénigrant cyniquement la maîtresse, sa jeunesse, son ambition artistique. Puis le ton change brusquement et les deux femmes accordent leurs fantasmes jusqu’à fomenter un plan macabre : l’élimination de Geoffrey et sa « dévoration » ! Sous l’apparence d’un roman épistolaire classique qui ne doit rien au numérique mais tout à l’encre et au papier, Régis Jauffret (Bravo, NB mai 2015) inverse les codes du roman d’amour avec une histoire contemporaine de folle détestation entre trois personnages dont il ne livre que les écrits exacerbés. Invectives, formules métaphoriques et flèches assassines alimentent une joute jubilatoire, plus intellectuelle et littéraire que sentimentale, sauf à imaginer que la haine prenne parfois des formes proches de celles de la passion amoureuse. Avec un scénario outrancier, tournant volontairement le dos à la vraisemblance, l’auteur réalise un tour de force stylistique dont la gratuité et l’artifice agacent. (T.R. et A.Le.)
Cannibales
JAUFFRET Régis