Cerfs-volants

BENSARD Eva, GUILLEM Julie

S’est-on jamais étonné de cet étrange nom ? Rien à voir avec le lucane aux mandibules aussi impressionnantes que les bois d’un cerf ! Il provient, sans doute, de l’erreur de quelque copiste inattentif : le SERPent volant français devenu cerf dans le vaste monde où il rejoint les dragons aériens apparus en Chine il y a 2500 ans. C’est le début d’un grand voyage car cet objet volant a fasciné plus d’un Marco Polo, gagné l’Europe puis l’Amérique.  Les amateurs d’aujourd’hui, férus de technique, parlent dièdres, dévidoirs et brides. Rien néanmoins qui puisse faire oublier la poésie de l’air : des formes, des couleurs, des volumes, de la musique même car les meilleurs d’entre eux chantent au gré du vent. Rien qui empêche de croire en ces porte-bonheur entre terre et ciel associés encore à maint rituel festif. Les joutes sportives dans lesquelles s’illustrent ces acrobates rappellent d’autres moments où ils jouèrent, au combat, les épouvantails ou les cibles. Sans oublier les services, rendus naguère à la météorologie ! Toujours dans le vent, ils côtoient crânement montgolfières, parapentes et autres voltigeurs.  De quoi donner des ailes : en quelques leçons on peut apprendre à piloter et, les yeux au ciel, se croire à Berck-sur-mer, à Jakarta ou au Cap…  Attention : on n’apprend pas ici comment occuper un jour de pluie à construire son cerf-volant ! Pour autant on ne s’ennuie pas un instant. On entre dans ce documentaire foisonnant comme dans un récit d’aventure tant il combine avec simplicité approche historique, technique et artistique pour un voyage dépaysant dont chaque anecdote dépasse la légende : le vol d’Icare n’est pas plus fou que les prouesses de Samuel Cody ou que la très réelle pêche au cerf-volant pratiquée en Indonésie.  Au fil du texte, on va de surprise en surprise, face à l’ingéniosité des hommes pour perfectionner la machine et multiplier ses utilisations : autant de défis racontés avec sérieux et jubilation.  C’est passionnant ! La mise en page aérée de chaque rubrique incite à la lecture, la curiosité tenue en éveil par des intertitres accrocheurs. Ainsi, quand « l’art prend l’air », c’est pour donner à voir des « créations planantes ».  Le ciel, en effet, offre au cerf-volant les cimaises d’une galerie dont l’illustratrice de ce bel album reproduit des fragments : Peter Lynn, Christophe Martine nous ouvrent la porte du cercle des cerf-volistes et autres « artistes du vents ». (C.B. et A.-M.R.)