Un pays de marais, sans doute le marais vendéen, avec ses bourrines où habiter, ses canaux pour se déplacer en yole et ses arbres tordus au milieu des prés mouillés. Le docteur fait ses visites auprès des maraîchins qui vivotent là, en maniant la gaffe sur sa « plate ». Il les connaît tous, vieux et jeunes ; il sait leurs secrets, leurs hontes, leurs frustrations, les accidents de leurs vies qu’il les aide à surmonter car il est des leurs. Un jour Pacot disparaît et le marais frémit.
Ce premier roman surprend et déroute. Serait-ce une énième chronique de la vie d’un médecin de campagne, le tableau naturaliste de la misère silencieuse d’oubliés du progrès dans la promiscuité d’une enclave rurale ? Certes les Pacot, les Rabiller et les autres donnent lieu à des scènes brutales de réalisme autour de la naissance et de la mort, la romancière tissant entre eux des liens avoués et inavouables qui sonnent juste. Mais elle offre plus avec un médecin passionné de photographie à l’ancienne. Les scènes extraordinaires où, dans l’obscurité de son appentis, il développe les clichés qu’il a pris de ses patients habitués à sa lubie sont autant de révélateurs de ce qu’ils sont et la romancière utilise cette mise à nu pour résoudre l’intrigue qui lie son récit. Son talent minutieux de portraitiste s’étend enfin à la description de la nature, composante primordiale du microcosme qu’elle habite d’une écriture minutieuse et poétique. (C.B et A.-M.D)