Ils sont Roms, vivent près d’un lac à proximité de Bucarest. Le père élève seul ses six enfants depuis la mort de sa femme à la dernière naissance. Cette famille peu ordinaire vit de pêche, de la vente d’objets en bois façonnés par le père. La tante Marta qui a fait des études de lettres à Paris apprend à lire à Sosho, l’aîné, très intéressé par les formes arrondies de Monica, la fille de sa professeur. Puis un jour, une lettre du Gouvernement leur demande de partir pour permettre la création d’une réserve naturelle.
La Roumanie post-Ceaucescu sert de cadre à ce très beau roman. Corinne Royer (Pleine terre, les Notes août 2021) est pleine d’affection pour la liberté en pleine nature de cette famille simple qui a ses croyances et son mode de vie original. On partage leur pêche au bord de l’eau, accompagnés du chien affectueux et croisant quelques terreurs locales. Comme dans un précédent livre, les injonctions administratives et politiques, en contradiction avec la vie des populations locales, sont implicitement dénoncées. Les personnages, certains truculents, les principaux comme habités d’une vie intérieure et sensible très intense, incarnent les traditions et souffrances du peuple tzigane sous le régime communiste, puis dans la dépendance d’une Europe indifférente à leur sort. L’écriture est parfois réaliste, souvent poétique et envoûtante, notamment dans les poèmes en prose qui entrecoupent les chapitres à chaque station d’un voyage en train menant l’aîné et sa cadette vers un rêve mystérieux et utopique dans les Carpates. Le livre se referme en laissant le lecteur ébloui. (C.M. et A.Le.)