Écrivain déjà âgé, Jean Bosmans ouvre la vanne de ses souvenirs. Il se revoit, la vingtaine, et revit cet épisode qui l’a conduit d’Auteuil à Chevreuse, en compagnie de Camille et d’une amie. Il réactive
cette brèche qui, à l’époque déjà, l’avait ramené aux sources de son enfance, par le truchement d’étranges intermédiaires interlopes, probablement pas si fortuits qu’il pensait le croire.
Balade au pays de la mémoire qui compose une sorte d’archéologie du souvenir, pérégrination poétique dans Paris et la campagne au rythme des saisons et des lumières, ce beau roman déroule aussi une vague intrigue policière dont le développement, loin de suivre une enquête linéaire, se glisse dans les méandres de la mémoire, avec ses illuminations imprévues et ses biais déformants. Au-delà du talent du conteur – qui gonfle avec brio une histoire, somme toute assez mince, dont les personnages sont des ombres – coule dans ce texte brillamment fluide, une réflexion sur l’essence même de l’écriture et de la littérature, et sur les rapports mystérieux du réel au souvenir. L’émotion ressentie à la lecture de ce roman dense et musical est purement intellectuelle. Modiano tel qu’en lui-même ! (D.M.-D. et M.-N.P.)