Choco et Gélatine se sont connus à l’usine : elle y était secrétaire, il conditionnait des bonbons sur la chaîne de fabrication. Rien ne distinguait Gélatine de ses collègues toutes de rose vêtues, rien ne distinguait Choco des autres ouvriers basanés comme lui. Un vrai coup de foudre ! Très vite les deux amoureux emménagent dans un nid pimpant. Seule ombre au tableau, mais elle est de taille : Choco n’a pas le droit de s’asseoir dans le bus à côté de Gélatine ni de jouer dans le même bassin qu’elle, à la piscine. Que faire ? Ils choisissent d’aller voir ailleurs, de fuir ces lieux inhospitaliers. Au bout du voyage, ils découvrent Bigoût City !
L’histoire est toute simple : les deux héros font l’expérience du racisme ordinaire qui exclut leur couple de l’espace public : le bus, la piscine. Rien de polémique dans cette représentation délibérément succincte de la ségrégation : le récit illustre plus qu’il ne dénonce. Même si Amnesty International est associée à sa publication, le registre de cet album n’est pas celui du militantisme. La solution qu’il propose contre l’exclusion est faite pour rassurer : des goûts et des couleurs, il existe des lieux où le métissage est possible. Le récit, en quelques phrases graphiques et colorées, conduit sans faute au dénouement heureux du conte dont il s’amuse à détourner les codes narratifs : sérieux s’abstenir !
Sans irrévérence pour la gravité du sujet, Yann Kebbi ouvre la porte d’un univers à faire fondre de plaisir tous les lecteurs ! Fin connaisseur du répertoire gourmand des enfants d’hier et d’aujourd’hui -Carambar, Chupa Chups, Haribo, Chamallow -il révise leurs classiques aux couleurs acidulées, aux formes variées pour leur donner une autre vie. Il y avait déjà la maison en pain d’épices de Hansel et Gretel, la chocolaterie de Charlie ;, ici le traitement est différent : le grand format de l’album est propice à une immersion du regard dans des coulées chocolat associées à d’autres ingrédients picturaux insolemment colorés. Voilà pour la mise en bouche, page de garde ! Yann Kebbi dynamise le récit en variant les plans : ses petits personnages bénéficient d’une scénographie digne des Playmobil funparks. Hyperréaliste, la palette graphique restitue avec minutie le détail de chaque objet astucieusement détourné de son identité première. Au plaisir de leur découverte les plus jeunes seront gagnants ! S’y ajoutent des rencontres éclectiques : Mamie Nova et le Penseur de Rodin par exemple, et d’autres « citations » amusantes qui pimentent l’image d’une joyeuse irrévérence. Un propos sérieux enveloppé de douceurs.