Choir, île aux contours incertains, jetée on ne sait où dans l’immensité. Nature hostile et humanité inhumaine. Terre boueuse, ingrate, couverte de guano, grouillante de punaises. Là, s’agitent sans fin en travaux chimériques et activités absurdes des hommes se haïssant eux-mêmes et se haïssant les uns les autres. Quitter Choir par le haut, c’est l’idée constante des îliens. C’est ce que fit Ilinuk, le Polydactyle aux deux orteils surnuméraires, quand il disparut après avoir construit sa fusée. Il reviendra du ciel, assure le vieil Yoakam, le barde qui chante la geste du héros. Et tous survivent comme ils peuvent dans l’espoir du retour d’Ilinuk et de leur envol avec lui.
Force tableaux, fables, anecdotes à l’appui, Éric Chevillard propose une très noire métaphore de l’Humanité sur la planète Terre, et aussi du christianisme – avec une parousie finale, désespérante ! Langue châtiée, virtuosité narrative, puissance d’évocation sont toujours là, comme dans L’orang-outan (NB octobre 2007). Pourtant, est-ce le narrateur sans identité, est-ce l’accumulation de situations à l’inverse du sens commun, est-ce l’atmosphère de déréliction qui baigne cette chronique, est-ce l’attente continuelle d’une histoire qui se dessinerait enfin ? L’ennui, ou l’irritation, vient vite.