Une guérilla victorieuse contre les Japonais a fait de Sang-ho un demi-dieu, le « Président Éternel » du Kamcha du Nord. Park est son fils. Son héritage est le pays. Son passé à lui est sans gloire. Il le sait, il en est troublé. Un temps écrasé par la figure paternelle, il est tenté par la fuite ; pourtant il assure la propagande du Père, adopte, organise, radicalise son idéologie « Muju ». Son pouvoir, sa mégalomanie explosent. Il rêvait de réaliser des films. Pour le peuple muselé, manipulé, il redessine sa jeunesse en fresque surnaturelle. Et réécrit sa vie en une superproduction utopique qui le déifie. Les noms sont changés, les événements datés sont fidèles : il n’est pas difficile de reconnaître Kim Jong-il derrière Park, la Corée du Nord derrière le Kamcha et, derrière le « Muju », l’idéologie collectiviste mâtinée de confucianisme… Liquidations, arme nucléaire, inondations, dénis, famines, slogans. Devant ce calque événementiel, pourquoi un roman plutôt qu’une biographie ? Cette volontaire intrusion de l’imaginaire dans le réel autorise à Delwart une écriture originale, monocorde, pauvre en pronoms, riche en infinitifs, en phrases suspendues, en redondances. Un parti pris qui rend plus dense et plus pesante la paranoïa de ce terne dictateur.
Citoyen Park
DELWART Charly